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kamikazerie

27 avril 2006

Le kamikaze de Casablanca Maroc

Soltane, vingt ans, le plus jeune de la fratrie, songeait à Cheikh, le guide spirituel  que personne de la fratrie n’avait jamais vu encore. Sid Sayed expliquait que Cheikh était fort occupé par les temps qui courent à cent à l'heure, il  n’oubliait jamais de préciser que lorsqu’on se tenait à côté de cet homme, on était ému et ébloui par sa sagesse. Il en parlait avec un sourire épanoui.

Se retrouvant seul, Soltane se dit : « qu’est-ce que j’ai fait de cette vie précieuse qui m’était donné en cadeau ? Rien je n’ai été qu’un ignare, un mécréant intéressé par l’argent, une pièce par-ci une pièce par-là, je ne pensais qu’à acheter des blousons en cuir…. » 

Il balaie d’un revers de main rageur, pour effacer cette vie passée dans l'ignorance. Il s’estime heureux, avec des frères qui parlent de combats, de promesses, de sacrifices, tout en évoquant le tout Puissant, Dieu des cieux, des nuages… l’Unique.

Soltane a quitté sa famille, une maison sordide où l’on s’entassait à six dans deux pièces qui empestaient les odeurs de pieds et le beurre rance et maintenant il se sent libre, en compagnie de personnes devenus plus que des frères de sang.

Il prend un petit chemin de terre ocre qu’il parcours pendant une dizaine de mètres avant de se retrouver sur une artère bruyante où circule le bus 73, qui arrive bondé de voyageurs dont quelques uns sont agrippés aux portés restées ouvertes. Cela n’empêche par d’autres voyageurs de pousser, de s’agripper, de s’accrocher à leurs tours.

Une employée, portant une casquette aux couleurs, de la compagnie de transports,  distribue les tickets, ramasse la monnaie qu’elle glisse dans une sacoche lovée autour de sa taille. Un stylo Bic est placé derrière son oreille droite.

Et brutalement, une dispute éclate entre un client et la jeune employée. Le client déclare avoir payé ce que l'employée conteste en prenant son stylo.

- mais je vais te planter le stylo dans l'oeil, espèce d'escroc, de bigleux.

- Mais la ferme, la voleuse, la saleté.

Un chauve insiste pour récupérer sa monnaie. La dispute se prolonge, s’intensifie même, le bus chavire. La jeune femme menaçe à nouveau de crever l’œil du voyageur indélicat avec son stylo Bic. C’est bruyant, tendu, intense. Des personnes de bonne volonté réclament l’apaisement. Soltane observe la scène avec dégoût, maintenant qu’il a réussi tant bien que mal à se coller dans un coin. Comment une jeune femme, peut tenir tête à un homme plus âgé qu’elle ? C’est abject, et Soltane enrage de plus belle, au fond de lui.

Il pense qu’il faut rapidement remettre sur les bons rails cette cité à la dérive pour éviter ce genre de calamité. Sid Sayed n’a-il pas comparer la ville à une pomme bouffée de l’intérieur par des vers voraces. ? Et cette jeune femme n'est-elle pas le  ver dont parle si souvent Sid Sayed ?

« Mais elle va la fermer cette chienne, demandez lui de se taire » songe encore Soltane, spectateur médusé devant des mots et des gestes obscènes. Cette confrontation a le don de refléter à Soltane le monde cruel et pourri dans lequel il évolue comme un damné. Et partout autour de lui, il observait quotidiennement des scènes encore plus obscènes, plus répréhensibles ?

Le bus enchaîne deux virages qui font basculer les voyageurs, entassés les uns sur les autres. Dans le dos d’une femme, un bébé tenu par un drap, hurle à la mort. La chaleur, la tension, la promiscuité...

Et Subitement, le conducteur arrête le véhicule et hurle comme deux personnes

- Mais vous allez tous la boucler bande de malade, vous allez me rendre malade, j'ai déjà assez de sel et de sucre dans le sang.

Après quelques secondes, le conducteur appuye à nouveau sur l’accélérateur, emportant le bus vers sa destination finale. Il ne reste que les pleurs du bébé. Mais le calme ne dure pas longtemps, le différend n’estt toujours pas réglé. Tout en continuant sa dispute, la receveuse distribue les tickets et encaisse la monnaie.

- Mais jamais tu ne m'as donné 50 dirhams, tu veux me rouler dans la farine, je vais te crever.

- Saleté, tu vas me rendre mon pogonon, oui, je ne te lâcherai pas.

Le voyage dure des heures et relie la ville d’est en ouest. Dans un souci de rentabilité, les bus a au fur et à mesure du temps, prolongé son trajet, quittant le coeur de la ville, s’éloignant vers la banlieue qui ne cesse de grossir.

Soltane descend du bus, poussé par d’autres voyageurs, bien heureux d’avoir un voyageur en moins dans le véhicule. Il a le pas nerveux, marchetout en songeant à la dispute, à ce bus qui pue les pieds, à cet air irrespirable, à cette vie de chien qu’il vit, que de millions de  personnes supportent au quotidien.

Il marche vite parce qu’il ne faut plus perdre de temps comme le dit et répète Sid Sayed. Et à chaque fois, qu’il lève la tête, il voit le péché, la faute, l’obscénité, le terrible désœuvrement des uns, la décadence des autres. Il se sens de plus en plus étranger à ces gens, pur, purifié en tout cas, il n'est plus leur semblable.

Et non seulement, Soltane se sens loin d’eux mais il a comme mission, de les transformer, de leur indiquer le droit chemin, parce qu’il y a eu égarement, corruption et péché, il n’y a pas de doute à avoir.

Il leur reproche d’être des mécréants, des impies, des fornicateurs. Sid Sayed qui disait être le porte parole de Cheikh le chef suprême de la fratrie répétait que les hommes avaient désertés les lieux de culte pour vivre et s’accoupler avec le diable, ils devenaient à leurs tours les disciples du diable, des corrupteurs, la légion perfide qui contamine à tour de bras les jeunes, les femmes, une légion d’infidèles qui pourrissait la société, la défigurait inlassablement.

Et Soltane tout en regagnant son réduit de tôle ondulé au cœur de la cité anarchique de Chechenia, entend encore les paroles de Sid Sayed.

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22 avril 2006

Kamikazeries 1

La plaine aux eucalyptus

Le vent divin souffle sur la plaine des eucalyptus où une troupe soudée comme les cinq doigts de la main prépare à entrer dans l’histoire. Sid Sayed assis en tailleur, entouré de son clan, fais penser à un bouddha dispensant une sagesse, sereine, lointaine et paisible. Mais, il n'en ai rien.

Au loin, la poussière s’envole dans le couchant du soleil, ça forme comme des paquets de nuages ocres, chavirants.

C’est le mois de septembre, le temps s’adoucit doux,  après les très fortes chaleurs du mois d’août. Beacoup de gens, espèrent même de la pluie d’ici quelques jours.  Des feuilles d’eucalyptus, cassantes, échouent sur le sol, sous la lumière d’un soleil timide à disparaître de l’horizon.

« Il est temps, il est urgent, nous avons reçu l’ordre d’agir. La patience est une vertu, l’attaque une nécessité. Cette ville va entendre parler de nous. Nous avons nettoyé cette plaine de ses ivrognes, de ses sales femmes, de la vermine ( il crache par terre, comme songeant à des êtres maléfiques), bientôt nous allons nettoyé toute cette ville. Bientôt nous allons agir pour sauver cette ville, nous devons agir, nous devons attaquer... » dit Sid Sayed, toujours intarrisable, adorant haranguer le clan, la fratrie, et qui aime à passer ses idées au premier plans, toujours.

Il continue :

« Le sacrifice... la foi... le ferment de la vie, la vérité... nous ne vivons pas pour la vie, pour la liberté, pour la justice mais pour Dieu, uniquement pour Dieu... »

La fratrie,  au nombre de cinq, intérieurement admirative, baisse la tête, bien plus soumise qu'attentive.

« Mes frères, il ne faut pas écouter ce que disent les autres, ils n’ont pas compris, ils n’ont rien compris, ils ne veulent pas de nous parce que nous aimons Dieu, tout simplement.... »

Sid Sayed termine sa longue phrase, kilométrique, se lève, imité par ses disciples et ils avancent tous, dans un même pas uni, solidaire, avant de s'immobiliser au bord de cette jolie plaine ombragé, située sur les hauteurs de Kasablanca.

Sid Sayed reprend :

« Voyez cette ville... gens... mécréants... que font-ils ? Que construisent-ils ? A quoi pensent-ils ? Adorent-ils Dieu ? Non, non et non, ils sont possédés... diable... perte de temps... c’est contraire au Seigneur de perdre son temps. Les gens ici... samedi soir... samedi noir il faut dire, le chaytan est dans la ville... il est vraiment temps de purifier la ville. »

Avec son index pointé, il indique les lieux où le diable s’agite, où la débauche s’accomplit sous le regard indifférent et fatalement complice de la population.

Le muezzin entame soudainement son appel à la prière, incitant à travers un mégaphone, la population des fidèles à venir à la prière, au salut de l’âme, à l’adoration du Plus Grand.

La fratrie, qui refuse de se joindre aux autres bougres de fidèles, jugés peu fiables, ne répondant pas aux critères rigoristes du clan, fait  la prière à l'écart. Elle se pense au-dessus du simple fidèle, respectant à la lettre les paroles divines, marchant dans le chemin exclusif du Puissant. Même le plus pieux des hommes lui  parait suspect et il est considéré comme à la solde des mécréants.

Et le clan s’aligne derrière Sid Sayed pour la prière du soir.

C'est un solide moment de communion, inscrit dans le rougeoiement du soleil, en direction de l’Orient, vers le cube de la

Qaaba

 lointaine, vers laquelle se prosternent au même moment des millions de fidèles à travers la planète.

« Ce n’est pas nous qui décidons, ce n’est jamais nous, c’est l'Omnipotent qui décide… pour la joie... paradis... l’enfer... châtiment. »

Soltane, le sait désormais, et en pointait son index vers le ciel, il semble appeler à lui les bienfaits du Miséricordieux.

« Je dois aller voir Cheikh ce soir », précise Sid Sayed en chevauchant sa moto, une vieille Honda.

Adel se dit en son faible intérieur " Cheik shake shake shake baby."

Lui et seulement lui, ne sait pas ce qu'il fait là.

Le moteur ronfle, s’ébranle et s'éteint  et instinctivement la fratrie dans un même sursaut, se précipite pour pousser l’engin et avoir le privilège de pousser la moto sur laquelle trône Sid Sayed.

Le moteur se mit à nouveau en branle et la moto s'éloigne,  de plus en plus à vive allure, emportant Sid Sayed vers le coeur de la ville.

Le jour décline, la fratrie quitte la plaine aux eucalyptus.

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